UN CHEMIN PERSONNEL

Ce vécu profond, cette relation qui désormais s’intériorise a besoin de s’exprimer pour exister et pour faire exister. Il faut du temps, parfois de longues années pour apprivoiser la perte, intégrer l’événement, se sentir
" parent pour toujours mais pas pour tout le temps". Les obstacles sont nombreux, différents pour chacun. Les parents se font la courte échelle pour trouver un nouveau souffle, accéder à cette mutation longue et coûteuse pour passer de l’extériorité de la relation à l’intériorité, du dehors au dedans. Découvrir, un jour, que tout cet amour qu’ils portent à cet enfant et qui leur arrache les entrailles ne peut mourir avec lui, que nous pouvons lui donner vie, le rendre fécond.
                                                                                                                                                               Geneviève BONNERIEZ

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Puisque le bonheur n'existe pas... Tâchons d'être heureux sans lui.

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LE DEUIL : UN CHEMINEMENT INTERIEUR

Christophe Fauré, psychiatre, explique l'importance du travail de deuil.

Un dernier souffle et le silence s'installe dans la chambre d'hôpital… Un appel de la police annonce l'irrémédiable, survenu sur une petite route de campagne… En un instant, la vie bascule. Ces événements signent l'entrée dans ce qu'on appelle le processus de deuil. Mais n'y a-t-il pas notion plus mal comprise que celle-ci ? L'ignorance qui l'entoure dans notre société n'est-elle pas à l'origine de tant de souffrances inutiles ? Pourtant, loin de parler d'oubli ou de «tourner la page» comme on se le représente habituellement, le deuil porte l'authentique promesse de la préservation du lien avec la personne aimée : c'est un chemin dont l'essence même est de passer d'une relation extérieure, «objective» au quotidien, à une relation intérieure, par-delà sa mort. Il invite à intégrer, dans sa vie et dans son être, l a présence intime de la personne disparue, tout en continuant le cours de son existence, sans culpabilité ni vécu de trahison. Ceci n'est pas une vaine promesse : c'est une réalité sans cesse confirmée par ceux qui l'ont traversée, même si, dans les premières années, cela leur semblait totalement inaccessible.

Car la blessure de la perte est violente et profonde et le chemin est long et aride. Tout comme notre corps mobilise ses ressources quand il doit cicatriser une blessure physique, notre esprit met en œuvre une intelligence innée qui permet la cicatrisation de cette plaie du cœur. Le deuil, c'est ce processus indispensable dont la finalité est de préserver notre intégrité psychologique et émotionnelle, tout en construisant, en parallèle, un lien intérieur avec la personne disparue. Ce processus inconscient de cicatrisation est au-delà de nous et de notre volonté. Il nous est simplement demandé de l'accueillir avec sagesse, courage et humilité, en le laissant se dérouler, à son rythme, dans les tréfonds de notre être. S'y opposer et tenter de «passer en force» par la volonté et le contrôle des émotions est inutile et dérisoire : c'est rajouter de la souffrance à la souffrance.

Le deuil exige de nous une douceur envers nous-même, peu coutumière peut-être… Tout comme une plaie physique nécessite des soins réguliers, il nous est demandé de mobiliser une égale attention à la plaie du manque et de l'absence : il nous faut beaucoup de temps pour accepter la réalité de ce décès à tous les niveaux de notre être ; il nous faut beaucoup de temps pour exprimer les émotions qui en découlent. Ce long temps du deuil passe aussi par le fait d'entretenir le lien avec la personne disparue - par les rituels «publics», comme ceux de la Toussaint, ou «privés». Ce n'est qu'à cette condition qu'il deviendra, petit à petit, acceptable de vivre plus sereinement avec l'absence.

Il est extrêmement rassurant de savoir que ce que l'on vit n'est pas « anormal » ou « morbide », comme le fait, par exemple, de couvrir de photos tous les murs de son appartement ou encore de continuer à payer, pendant des mois, un forfait téléphonique pour préserver la voix de la personne aimée sur sa messagerie… Ignorant de la réalité du deuil, l'entourage, pourtant tant désireux d'aider, devient, dans sa maladresse, une paradoxale source de colère ou de frustration. Et pourtant, là encore, il y a de si petites choses à connaître pour être réellement aidant. Car le travail de deuil a infiniment besoin d'être accompagné.

Mais le travail de la personne en deuil passe aussi par des temps nécessaires de retrait, de solitude et de rencontre silencieuse avec soi-même, par l'écriture, la prière, la méditation, le contact nu avec la Nature… C'est dans cette alternance, maintes fois répétée, entre «être avec les autres» et «être avec soi-même» que se construira, petit à petit, un chemin d'apaisement.

C'est à ce prix que l'on parviendra, un jour, à vivre le sens ultime du deuil : honorer la vie et la mémoire de ceux que nous avons perdus et, petit à petit, trouver en nous les ressources pour avancer dans une existence où nous devenons un être humain unique et singulier par le fait même de les avoir aimés et d'en avoir été aimé en retour.


* Auteur de «Vivre le deuil au jour le jour» (Albin Michel) et des textes de www.traverserledeuil.com

   Ces FANTÔMES qui nous hantent
ou nos ENFANTS qui veillent sur nous ?



«Le chemin du deuil est strictement individuel»


INTERVIEW Le Figaro - le 08/11/2013 -  



Le psychiatre Alain SAUTERAUD, auteur de 

"Vivre après ta mort, psychologie du deuil" (Odile Jacob),

analyse les nouvelles formes de «deuil digital» qui s'expriment désormais sur la Toile.

LE FIGARO. - Que vous inspirent ces nouvelles manières «technologiques» de vivre le deuil ?

Alain SAUTERAUD. - Elles englobent des situations très variées : un forum d'endeuillés, par exemple, répond au besoin traditionnel de partage et de lutte contre l'isolement. Il n'y a de neuf dans ce domaine que la technologie. Les créations d'espaces virtuels au défunt, d'autre part, rejoignent selon moi le besoin de commémoration. Mais il faut les analyser à travers leur rôle aidant ou gênant le processus du deuil, en se demandant : celui-ci rend-il un hommage équivalent à «donner une messe annuelle» ou «se rendre au cimetière», mais avec des outils technologiques actuels, ou bien fait-il vivre artificiellement le défunt ?

¤ Quelles sont les autres dérives possibles ?

J'ai l'exemple d'un futur défunt qui avait prévu de son vivant des messages à envoyer par Internet à ses survivants après sa mort. Cette initiative est plus contestable, car elle gêne l'un des buts du deuil qui est de
«réaliser la perte», c'est-à-dire l'éprouver intimement, en acceptant la souffrance et en re-localisant le défunt. Comment l'endeuillé peut-il accepter la perte si le défunt lui envoie de «nouveaux messages» après sa mort ? Il me semble qu'il y a là un risque de déviance narcissique qui, à sa manière, impose un souvenir de lui ou une présence, alors que le deuil est la façon dont l'endeuillé va intérioriser le défunt. Ce chemin de deuil est strictement individuel, comme le montrent les membres d'une même famille qui vivent des deuils très différents, alors qu'ils déplorent la mort de la même personne: on ne pleure pas un père comme on pleure un mari.

¤ Vous vous intéressez dans votre livre au deuil «compliqué». Quel est-il ?

- Le deuil normal fait souffrir; le deuil pathologique, lui, fait perdre pied à l'endeuillé. Ainsi, une femme qui souffre du décès de son mari et demande le soutien de sa mère pour l'aider à s'occuper des enfants car elle est épuisée ne dérape pas. La même personne qui ne demande pas d'aide mais dort toute la journée, assommée par l'alcool pour oublier sa souffrance, dérape. Après un décès, l'endeuillé peut déclencher une dépression, un état de stress post-traumatique ou tout simplement décompenser un état fragile antérieur. On peut définir l'état pathologique (deuil compliqué ou deuil prolongé) par une pathologie de l'attachement qui consiste soit à faire vivre le défunt comme s'il n'était pas mort, soit à faire comme si le défunt n'avait pas existé ou à désinvestir totalement toute vie pour retrouver au plus vite le défunt sans se suicider pour autant.
http://sante.lefigaro.fr/actualite/2013/11/08/21500-chemin-deuil-est-strictement-individuel

¤ Le processus de deuil a-t-il certains aspects positifs ?

- Je ne pourrais pas dire cela. Car le deuil est le prix de douleurs à payer de l'attachement que nous avons tissé avec certaines personnes. Il nous incite à profiter d'elles tant qu'elles sont en vie, et nous amène à vivre avec la douce nostalgie de celles qu'on a eu la chance de connaître et de fréquenter. En ce sens, le deuil est aussi la
«tristesse d'avoir été heureux».


"Maylis m'a permis d'appréhender les choses différemment. Je ne vois plus la vie de la même manière, je relativise davantage,

je me rends compte que tous les petits soucis du quotidien ne méritent pas l'importance qu'on leur accorde et qu'il est plutôt nécessaire de se recentrer sur le vraies valeurs, de profiter pleinement des moments passés auprès de ceux qui nous sont chers car tout peut s'arrêter bien plus tôt que ce que l'on espérait. "                                                        Sylvain, papa de Maylis

Paroles de papa ...
N'oublions pas la souffrance des pères